Tout semblait paralysé au sol.
Au loin, on aurait cru que la lune s’était affaissée dans cette mer blanche,
ses amarres coupées par le froid.
Le ballet coloré et fluoré des aurores
se déplaçait, volatil, comme pour s’échapper de ce ciel paralysé.
Tout
près de la cabane, les chiens dormaient,
recroquevillés comme des croissants de fourrure, près de souches semblables à
eux-mêmes. Mouffe, la chienne au
manteau vanille et caramel, prémédita le
réveil en hurlant au loup. Surpris, les
autres chiens de la meute, se mirent de la partie, comme pour se rassurer sur leur nombre…*
Concert troublant et apeurant
s’il en était un; spectacle inédit de sons et de lumières.
Dans cette pleine nuit, la
porte du shack claqua laissant
s’échapper autant de vapeur blanche qu’il ne s’envolait de fumée de la cheminée
en pierres des champs. La longue silhouette d’un homme se découpa dans la douce
lumière se poussant par l’encadrement. Les pieds bien campés sur la galerie, il
s’arrêta quelques instants, aspirant l’air figé et glacé.
S’avançant vers Mouffe en lui chuchotant
les mots incitant au calme, l’Homme ressassait les dernières heures :
l’appel reçu en soirée, annonçant la disparition de l’enfant. Le déclenchement
des mesures d’urgence. La recherche de bénévoles. Dans cette région de froidure
et de poudrerie, où la végétation se faisait lasse et se tassait à couvert des
rochers rouillés, un cœur ne pouvait battre des heures. Il fallait faire vite.
À son approche, les bêtes, les
unes après les autres, se tranquillisèrent. Le musher aligna les bandes de
cuir qui retenaient les chiens. D’un bruit sec et tranchant, il fit éclater ce
matin de verre… * Mouffe, en bonne chienne de
tête, suivait tous ses faits et gestes. Sans savoir elle savait. Elle savait
que ce ne serait pas qu’un entraînement. Elle savait que son compagnon voudrait
le meilleur d’elle-même. Sage, elle s’assit et attendit.
Les premières lueurs de l’aube
se profilaient à l’horizon quand le ronflement d’un moteur d’avion, bruit improbable
en cette fin de nuit, troubla le silence. Les recherches apparemment, débutaient.
Les chiens attelés, le musher ferma les yeux un court instant
et se recueillit pour une pieuse prière à la Vie. Puis il lança l’ordre à sa
meute d’avancer en direction du village, là où devaient les attendre les autres
volontaires.
Il franchit à peine quelques
kilomètres, qu’il croisa dans l’étroit sentier de neige durcie, son voisin Lou,
debout, accroché à son traîneau, ses chiens débordant d’une énergie trop
longtemps retenue. À la queue leu leu, ils traversèrent le land qui les menèrent à Matimekosh, petit village innu de la Côte
Nord planté à 510km de Sept-Îles et où plus de six cents cœurs battaient à
l’unisson.
Devant l’édifice du Conseil de
bande, rue Pearce Lake, déjà une
dizaine de personnes emmitouflées dans leur duvet, sautillaient sur place pour
se réchauffer. Au-dessus de leur tête, l’air expiré inventait de faux nuages.
À l’intérieur, dans la petite
salle de réunion, le Chef et quelques conseillers avaient pris soin de déplier
une carte de la région et avaient quadrillé les secteurs où débuteraient les
recherches.
Le Chef de police donna ses
directives, rappelant aux gens les règles de sécurité de base tout en
distribuant les radios émetteurs qui permettraient à chacun de situer les
autres.
Huit heures sonnaient quand on
donna le signal de départ.
Ray cria un « Dja » et avec Lou, ils prirent vers
l’est, vers le grand lac John.
Commentaires
Mais merci de me lire avec tant d'assiduité!