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Matimekosh – 25 décembre 1994


Tout semblait paralysé au sol. Au loin, on aurait cru que la lune s’était affaissée dans cette mer blanche, ses amarres coupées par le froid. Le ballet coloré et fluoré des aurores se déplaçait, volatil, comme pour s’échapper de ce ciel paralysé.
 
Tout près de la cabane, les chiens dormaient, recroquevillés comme des croissants de fourrure, près de souches semblables à eux-mêmes. Mouffe, la chienne au manteau vanille et caramel, prémédita le réveil en hurlant au loup. Surpris, les autres chiens de la meute, se mirent de la partie, comme pour se rassurer sur leur nombre*

Concert troublant et apeurant s’il en était un; spectacle inédit de sons et de lumières. 

Dans cette pleine nuit, la porte du shack claqua laissant s’échapper autant de vapeur blanche qu’il ne s’envolait de fumée de la cheminée en pierres des champs. La longue silhouette d’un homme se découpa dans la douce lumière se poussant par l’encadrement. Les pieds bien campés sur la galerie, il s’arrêta quelques instants, aspirant l’air figé et glacé.

S’avançant vers Mouffe en lui chuchotant les mots incitant au calme, l’Homme ressassait les dernières heures : l’appel reçu en soirée, annonçant la disparition de l’enfant. Le déclenchement des mesures d’urgence. La recherche de bénévoles. Dans cette région de froidure et de poudrerie, où la végétation se faisait lasse et se tassait à couvert des rochers rouillés, un cœur ne pouvait battre des heures. Il fallait faire vite.

À son approche, les bêtes, les unes après les autres, se tranquillisèrent. Le musher aligna les bandes de cuir qui retenaient les chiens. D’un bruit sec et tranchant, il fit éclater ce matin de verre… * Mouffe, en bonne chienne de tête, suivait tous ses faits et gestes. Sans savoir elle savait. Elle savait que ce ne serait pas qu’un entraînement. Elle savait que son compagnon voudrait le meilleur d’elle-même. Sage, elle s’assit et attendit.

Les premières lueurs de l’aube se profilaient à l’horizon quand le ronflement d’un moteur d’avion, bruit improbable en cette fin de nuit, troubla le silence.  Les recherches apparemment, débutaient. 

Les chiens attelés, le musher ferma les yeux un court instant et se recueillit pour une pieuse prière à la Vie. Puis il lança l’ordre à sa meute d’avancer en direction du village, là où devaient les attendre les autres volontaires. 

Il franchit à peine quelques kilomètres, qu’il croisa dans l’étroit sentier de neige durcie, son voisin Lou, debout, accroché à son traîneau, ses chiens débordant d’une énergie trop longtemps retenue. À la queue leu leu, ils traversèrent le land qui les menèrent à Matimekosh, petit village innu de la Côte Nord planté à 510km de Sept-Îles et où plus de six cents cœurs battaient à l’unisson.

Devant l’édifice du Conseil de bande, rue Pearce Lake, déjà une dizaine de personnes emmitouflées dans leur duvet, sautillaient sur place pour se réchauffer. Au-dessus de leur tête, l’air expiré inventait de faux nuages.

À l’intérieur, dans la petite salle de réunion, le Chef et quelques conseillers avaient pris soin de déplier une carte de la région et avaient quadrillé les secteurs où débuteraient les recherches. 

Le Chef de police donna ses directives, rappelant aux gens les règles de sécurité de base tout en distribuant les radios émetteurs qui permettraient à chacun de situer les autres.

Huit heures sonnaient quand on donna le signal de départ. 

Ray cria un « Dja » et avec Lou, ils prirent vers l’est, vers le grand lac John. 

Commentaires

Gaston A. a dit…
Après l'Appât le Grand départ. Une suite haletante.
Quand même Gaston... attend de lire la suite! Je te rappelle que c'est une première tentative de nouvelle...
Mais merci de me lire avec tant d'assiduité!

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