… longtemps sur la neige
durcie. Il avait une idée en tête en cette veille de Noël : se rendre à la
cabane que son grand-père et lui avaient bâtie sur les berges du lac de la
Squaw, à peine onze kilomètres au nord du village.
Y faire quoi? Y porter le morceau
de bannick dérobé le matin même sur la table, à l’insu de sa mère. Il savait
que l’Homme-à-la-longue-barbe-blanche-et-au-bedon-rond, celui qui se déplaçait
une fois l’an dans un traîneau tiré non pas par des chiens mais bien par des
caribous, devait se poser encore cette année à Matimekosh.
Dans sa tête d’enfant, aller
chauffer la cabane ferait un endroit où le bonhomme pourrait se reposer un peu
avant d’entreprendre son interminable tournée.
Dans son sac en peau de
loutre, il avait glissé avec le pain, un peu de poudre de lait. Il comptait,
après avoir allumé le feu et comme Grand-père Ray le faisait pour lui, faire fondre
un peu de neige pour en faire un breuvage chaud. Si c’était bon pour lui, ça
devait l’être pour le tshishennu** aussi!
Il n’était pas certain d’avoir
pris la bonne direction, habitué qu’il était de se rendre à la cabane en
compagnie de son grand-père. Il lui semblait que ça faisait des jours qu’il
marchait. Le froid lui givrait les paupières, figeait les épis s’échappant de sa
tuque crochetée. Il avait quitté la maison de la rue Redmond peu après le petit-déjeuner, espérant être de retour avant
la fin du jour.
Il savait la route longue mais
un rare courage et une détermination à toute épreuve l’habitait.
Le blanc s’étendait à perte de
vue devant lui, taché çà et là de la grisaille de pierres. Le soleil faisait
briller la neige de mille éclats et réchauffait de peine et de misère l’air de
glace. Il décida de continuer à avancer. Son estomac commençait à lancer des
cris de guerre.
Au loin, un hurlement se fit
entendre…
Le
louveteau avait quitté la tanière tôt matin. Dans le figé de l’hiver, il avait
fouiné les amas de neige à la recherche de quelques viandes fraîches à se
mettre sous la dent.
Mère
Louve lui avait appris à chasser dès son jeune âge. À lui maintenant de prouver
ses talents.
Les
craquements de la forêt lui faisaient régulièrement lever la tête. Comme si la
peur au ventre ne pouvait prendre quelque repos.
Il
avançait à pas feutrés, comme s’il ne voulait déranger le silence. Tous ses
sens en alerte, il foulait la terre gelée, le museau survolant le blanc en
rase-motte.
Soudainement,
son attention fut attirée vers la gauche. Une silhouette se découpait dans la
blancheur du jour. Craintif, il se terra derrière un rocher et attendit. La
forme se rapprochait. L’odeur qu’elle dégageait lui était inconnue. Quelque
chose que sa mère ne lui avait pas encore enseigné.
Était-ce
là l’Humain dont elle avait averti ses petits de se tenir éloigné? La curiosité
fut plus forte. Lentement et à bonne distance, il enfila les pas de la… drôle
de bête à deux pattes!
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