… les gémissements de l’animal
qu’il savait prisonnier du blizzard. Il l’observait depuis la fenêtre. La bête
maigrichonne s’était rapprochée de ce qui tenait lieu de galerie. Elle était
secouée de tremblements. Attristé, l’enfant ne savait trop que faire. Le poêle
ronronnait, le chaudron laissait s’échapper la vapeur, signe que la neige avait
fondu. Difficilement, il avait réussi à ouvrir une canne de ragoût de
boulettes, laissée là par son grand-père pour un « au-cas-où ». Il en
avait mangé la moitié avec un tout petit morceau de bannick car il comptait
bien en laisser une bonne part pour l’Homme-à-la-longue-barbe-blanche-et-au-bedon-rond,
dont il espérait encore plus la venue en ces circonstances.
Ses paupières se fermaient
dans un incessant va-et-vient. Dans un élan, il se rendit à la porte et
l’entrebâilla. Il était certain maintenant que la bête était un louveteau. Il
poussa devant lui le bol où il avait versé les restes de viande et attendit.
Enroulé dans une grosse
couverture, le corps à l’abri dans la cabane, il laissa son visage se faire
mordre par le froid de la tempête qui rageait.
Le
louveteau sentait ses forces diminuées. Il n’arrivait plus à se réchauffer même
roulé en boule. Le corps de sa mère lui manquait ainsi que les coups de pattes
de sa fratrie. Quand la porte s’ouvrit et laissa fuir un peu de chaleur, il se
sentit revivre. Il vit la chose-à-deux-pattes pousser quelque chose vers lui.
Une odeur alléchante vint chatouiller ses narines.
Craintif,
il resta sur ses gardes un bon moment. Quand il réalisa que la forme ne
bougeait pas, précautionneusement il s’approcha et d’une lapée commença à
manger. Quelque chose de délicieux et de chaud.
Mystérieux...
Ray avait détaché l’attelage.
Lou sortit de l’édifice en le hélant.
« Où vas-tu? »
« Je monte au lac de la Squaw. J’ai une sorte de pressentiment. »
« Le jour est déjà bien avancé. Il fera nuit dans quelques heures. Ce
n’est pas prudent. »
« Je m’en fous. L’heure n’est plus à la prudence. Je dois m’assurer
que Jude n’a pas eu l’idée saugrenue de se rendre à la cabane pour quelque
mystérieuse raison. »
« Donne-moi deux minutes » lui cria Lou. « Je viens avec toi. »
« D’accord, mais dépêche-toi. »
Lou ressortit quelques minutes
plus tard, sa parka grande ouverte. Affairé, il s’emmitoufla et à l’exemple de
Ray, libéra son attelage.
Sous un ordre lancé à
l’unisson, les chiens de tête s’élancèrent sur la piste, Mouffe toujours dans un
état d’excitation inexplicable.
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