… très tôt son grand-père
l’avait amené en forêt, chassant-traquant lièvres et perdrix. L’Homme lui avait
enseigné les bois, les rudiments de la survie, comment apprivoiser ses peurs et
apprendre à s’orienter.
Il avait les gènes de ses
ancêtres, grands nomades innus. Son grand-père éprouvait une grande fierté à le
voir évoluer et à faire ses classes boréales. Cependant, il en était autrement
à l’école. Enfant timide d’une grande intelligence, il se retrouvait souvent
dans son monde où vivaient les grands-des-bois.
Avec son grand-père, il avait
participé à la construction d’une toute petite et charmante cabane en bois
rond. Une seule pièce, deux lits de fer disposés en angle, une table, deux
chaises, un vieux fauteuil défoncé et un poêle à bois pour réchauffer les jours
de glace. C’était leur refuge, leur repaire pour les heures nécessitant un peu
de solitude.
Sur le poêle, une bouilloire
de fonte laissait s’échapper en permanence une nuée de vapeur. On pouvait
préparer un breuvage chaud en un rien de Temps. Jude aimait les effluves des
infusions au thé des bois.
Les escapades, souvent
improvisées, comblaient l’enfant de joies matures. Dans la forêt, il était le
roi. Il se sentait plus grand que nature. Plus grand que ce qu’elle avait
d’arbres rabougris à offrir.
La blondeur de Jude le plaçait
à l’écart des enfants aux cheveux de charbon. Résultat d’un métissage entre un
père innu et une blonde mère gaspésienne aux yeux pers.
Il gardait à peine souvenir de
son paternel, qui s’était éteint subitement, emporté par un fulgurant arrêt
cardiaque, un jeudi soir de hockey à l’aréna du village. L’autopsie avait mis à
nu, une malformation congénitale au destin imprévisible.
Ainsi allait parfois la Vie…
Le froid était craquant. Ray
et Lou regardaient impassibles leur attelage respectif. Déjà deux heures qu’ils
avaient quitté le village. Le sentier qu’ils suivaient avait été tracé depuis
belle lurette par les allers-retours incessants des motoneiges. Les chiens de
tête Mouffe et Cléo, gardaient le rythme pour leurs acolytes.
Arrivé près de la fourche
laissant le choix d’aborder le lac John par le nord ou le sud, Ray stoppa ses
chiens. Lou en fit autant.
« Si
je me fie à mon intuition, je prendrais à gauche. Mais ma logique me dit que
par la droite risque d’être une aussi bonne direction. » lança
Ray.
« Nous
pourrions nous séparer ici et couvrir une partie chacun. » répondit
Lou.
Pendant ce Temps, Mouffe fourrageait
dans la neige, le museau au ras du sol. Elle s’agitait de façon inhabituelle.
Ray la ramena à l’ordre d’un ton sec. Elle continua de n’en faire qu’à sa tête.
« Mouffe, tranquille. Mais qu’est-ce qui lui prend? » dit Ray.
« Tu
crois qu’elle pourrait flairer une piste? Elle et Jude sont bons copains non?
Suis ton idée. Je prendrai vers le sud. Donnons-nous une heure puis nous laisserons
reposer les chiens avant de rebrousser chemin. » suggéra
Lou.
« Parfait!
On garde contact par radio si jamais il y a quelque chose. »
Les ordres de départ furent
donnés simultanément. « GEE » lança Ray. « HAW » cria Lou. Les
chiens partirent en flèche, les uns vers la droite alors que les autres
prenaient à gauche, heureux qu’ils étaient de reprendre leur course.
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