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Jude avait laissé…


… la porte entrouverte mais s’était rapproché du poêle à bois pour se réchauffer. Il entendait le petit loup laper son ragoût. Ce simple bruit brisait sa solitude et le remplissait d’espoir.
 
Il avait mangé lui aussi et bu un peu de neige fondue. Ses paupières s’alourdissaient de plus en plus. Enfoncé dans le vieux fauteuil à demi défoncé, il plongea subitement tête première au pays des rêves. 

Le louveteau avait léché la moindre trace de nourriture dans l’assiette qui bougeait de gauche à droite à chaque coup de langue. Curieux de ne plus apercevoir la forme par l’ouverture de la porte, il approcha à pas feutrés.

La chaleur était bonne. Une lueur tremblotante provenait d’une masse noire au centre de la tanière de la chose-à-deux-pattes, qui d’ailleurs, s’était immobilisée dans ce qui lui sembla un creux de rocher. Comment aurait-il pu nommer autrement ce qu’il voyait? 

Gaillard, il glissa une patte à l’intérieur. Puis une autre. Une fois entré, il se laissa bercer par le crépitement des éclats de soleil qui surgissaient de la grosse forme noire. Ses paupières se fermèrent sur ce bruit rassurant et quelques instants plus tard, il dormait profondément. 

Ray et Lou progressaient bien. Mouffe et Cléo stimulaient l’allure des autres chiens. Au loin, la cabane dessina une ombre sur la blancheur du paysage. Une fumée s’élevait dans le ciel pur de ce mi-25 décembre. Encouragés, ils donnèrent ordre aux chiens de foncer.

« Dja! Dja! »
La fraîcheur de l’air avait réveillé Jude. Par la fenêtre, il pouvait voir que le vent de la veille avait laissé la place à l’astre brillant qui se montrait déjà haut dans le ciel. Près de lui, le louveteau sommeillait. Il s’étira sans bruit mais dès qu’il mit pied à terre, la petite bête ouvrit les yeux et se poussa dans un coin en grognant.

Nullement apeuré, Jude s’activa autour du poêle. La nuit de Noël était passée. Indubitablement, il avait manqué la surprise pour l’Homme-à-la-longue-barbe-blanche-et-au-bedon-rond. Puis il pensa à sa mère et à ses grands-parents qui devaient être morts d’inquiétude. 

Quand le poêle jeta enfin un peu de chaleur, il brisa un morceau de bannick qu’il lança à la petite bête apeurée. Fourrageant sous le comptoir, il découvrit un fromage en canne qu’il ouvrit avec autant de bruit qu’en faisaient les gargouillis de son estomac.

Il faisait beau. Lorsqu’il aurait mangé, il entreprendrait la marche qui le ramènerait au village. Il laisserait sortir le louveteau. Lui aussi devait avoir hâte de retrouver sa famille. 

Pendant qu’il s’activait, il lui parlait calmement. Le louveteau avait cessé de grogner mais restait tapi dans un coin après n’avoir fait qu’une bouchée du morceau de pain.

Il se fit un lait avec la poudre apportée la veille, et en versa un peu dans une écuelle en métal pour son nouvel ami.

Il était bien. Le poêle avait repris du service et jetait des bouffées de chaleur dans la cabane. La bouilloire laissée sur le dessus, sifflait. Le soleil glissait ses rayons par les carreaux de la fenêtre. Qu’est-ce qu’il aimait cette cabane! Et bien qu’il sût qu’il allait être grondé, il n’était pas peu fier de cette première nuit passée seul en forêt.

Il ramassa son sac et s’habilla chaudement. Il ferma la clé du poêle comme son grand-père lui avait montré et ouvrit la porte. Le louveteau ne se fit pas prier et se faufila rapidement vers la sortie, pour se retrouver nez-à-nez avec deux attelages de chiens fonçant sur lui à vive allure. Un peu coincé, il se glissa sous la galerie.

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