C’était en 1953. L’hiver
avait traîné ses pas dans la neige, longtemps, trop longtemps. Quand enfin le
printemps avait eu vent qu’il était temps qu’il se pointe, la verdure avait
donné des ailes à Théo. Pour ça aussi, il était temps…
Ç'avait été un hiver à la
dure, le genre qui nous glace les veines malgré les couches de duvet qui tentent
tant bien que mal, d’empêcher le vent de s’infiltrer entre les coutures. Un
hiver rude, où le froid rêche avait grillé la peau de son visage. Mais il n’était
pas homme à se plaindre, et dès lors que les oiseaux eurent repris leur chant,
il se sentit aussi léger qu’eux.
À peu de choses près, cette
légèreté aurait pu lui permettre de s’envoler. Mais voilà que l’envie de
rencontrer la femme de ses rêves hivernaux, l’envahissait jusqu’à l’inciter à
zieuter un peu partout…
Juste pour voir…
Théo avait eu cinquante-six
métiers avant ce fameux printemps. Des drôles, des coriaces, des lourds, des
longs. Aîné des garçons d’une famille de seize enfants aux cheveux presque
aussi noirs que l’ébène, il avait dû quitter tôt, et l’école et la maison, pour
aider à ce qu’il y ait du pain sur la table pour tous. Il partait parfois de
longues journées, avançant à côté de son cheval qui lui, tirait péniblement la
cargaison de bouts de tuyaux destinée à la mine Lapa Cadillac. Ici en Abitibi,
tout le monde ou presque en ce temps-là, connaissait la Lapa.
Il marchait, jour après jour,
son petit bonhomme de chemin, enveloppé de sa timidité.
« Timide et doux, comme
un mouton » passerait son temps à lui dire celle qui deviendrait un jour, sa
complice de vie.
Mais il y a bien à raconter avant d’en arriver à ce
moment…
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