Le restaurant était chic, un
peu guindé même. Desneiges s’y trouvait à l’aise puisqu’elle y travaillait déjà
depuis plusieurs mois. Pour elle, il avait été facile de suggérer l’endroit à
cet homme venu de l’Abitibi pour la rencontrer.
Situé au coin de Peel et
Wellington, la vieille façade de briques rouges était parsemée ici et là, de
carrés de verre qui finissaient par en faire comme un écrin pour bijou précieux.
Au-dessus de la porte principale, l’écriteau « Chez Charlie », se
balançait lentement au gré du vent. Un paillasson d’un brun chocolat, reprenait
en lettres dorées, le nom de la place.
Le menu, caché sous son
enveloppe de verre, annonçait les plats gastronomiques que l’on pouvait
déguster selon nos envies du moment.
Pour l’époque, l’endroit
avait une excellente renommée et son propriétaire, Arthur Plicteau,
s’enorgueillissait d’être un hôte
avenant et très attentionné. Son personnel était traité aux petits oignons,
c’était le cas de le dire. Il y avait donc peu de mouvements de personnel, et
la clientèle se réjouissait de retrouver mois après mois, les sympathiques
serveurs et serveuses.
Desneiges ce soir-là, avait
choisi une table tout près de la fenêtre. Ce n’était pas exactement son endroit
préféré mais faute de n’avoir pu occuper celle dans l’alcôve, elle s’en
accommoderait. Elle déplia sa serviette de table qu’elle déposa soigneusement sur
ses genoux, pour tromper bien inutilement, la nervosité qui faisait trembler
ses longs doigts de pianiste.
Son cœur était tout en émoi.
En fait, depuis sa dernière rupture avec Misaël, l’avocat qui l’avait si maladroitement
laissée tomber quelques mois auparavant, c’était la première fois qu’elle osait
remettre ses émotions à la flotte.
Quant à savoir ce qu’il
adviendrait de ce pas, elle faisait confiance au Saint Patron des Amoureux, ce
cher Valentin, qui ne tarderait certainement pas à approuver ou désapprouver
cette rencontre inusitée entre elle, simple serveuse, et cet homme, travaillant
en mécanique d’aéronefs. Cela l’avait quelque peu prise au dépourvu lorsqu’elle
l’avait appris.
Était-ce à dire que ce serait
un homme qui ne resterait pas en place?
Un homme qui passerait la majeure
partie de son temps absent?...
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