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Sauter à l’eau



La noirceur s’installe tôt sur Kuujjuaq depuis quelque temps. Tenez par exemple, cet après-midi au moment de prendre la pause de 15:00, lui il partait pour sa nuit. Remarquez, j’aurais bien aimé le suivre mais je devais poursuivre encore un peu…

À seize heures, je pris mon courage à « deux jambes » pour entreprendre la route vers mon petit appartement. J’ai bien tenté de charmer quelques collègues, peine perdue. Il aurait fallu les attendre encore une bonne heure et j’avais trop hâte de me retrouver chez-moi pour relaxer un peu. Sous leurs avertissements amicaux (chaussée glissante, vents violents, froidure et noirceur), je relevai mon capuchon bordé de renard blanc et nouai solidement autour de mon cou, le foulard aux nuances pourprées. Je pouvais affronter le vent, j’avais de bons vêtements (maxime de mon Grand : « Il n’y a pas de mauvaises températures, il n’y a que de mauvais vêtements! »). De plus, il y a belle lurette que j’ai compris qu’ici, si on se concentre sur le pas devant et qu’on aligne les autres après les uns (!) magiquement, on finit toujours par se rendre là où on veut aller...

Ce soir, malgré l’éclat de lune qui brillait là-haut, je me sentais une fois de plus le témoin important d’une histoire nordique sans fin, bravant les rafales de vent de 60 km à l’heure, abaissant du coup la température vers les -23C. C’est ben correct là, je ne me plains pas. Juste qu’à la fin d’une journée de travail je trouve ça un peu plus difficile, surtout de ravaler la côte de bas en haut. J’aurais bien aimé que le ciel se marbre de ses aurores boréales pour m'accompagner mais il m’a boudée le temps de la remontée. Tant pis pour lui : je ne ressortirai pas plus tard. Pas question… Je suis arrivée chez-moi les cuisses à demi-congelées, mais tout le reste était encore bien au chaud. Je me suis faufilée dans mon cocon, préparée un plat de riz-légumes-poisson que j’ai ingurgité devant l’ordi. Dans pas long, je me glisserai dans l’eau chaude d’un bain aux sels de la Mer Morte…

Juste pour voir si je flotte encore…

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