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Pile de bois et peine d’amour



« … C’était prévu : ce jeudi me catapultait vers le village de mon enfance. J’avais promis un coup de main à l’Ami Desro pour sa corvée de bois. 
 
C’est vêtue comme le Petit Chaperon rouge, que je me présentai à l’heure convenue. Sans trop savoir à quoi m’attendre de cette besogne hivernale, j’avais enfilé une bonne combinaison, mon cou était caché et les mitaines seraient appropriées pour manipuler les bûches. 
Un bon début!


Deux montures, attelées chacune à un traîneau de bois, attendaient sagement devant le garage. L’Ami Desro sortit et m’expliqua comment on procéderait. 
Il conduirait la première et je suivrais avec la deuxième


Le Temps était doux, la neige, apparemment, insuffisamment compactée. On risquait l’enlisement. Les renversements.  
Je verrais bien…
 

On prit le sentier à la file indienne. J’étais un peu nerveuse, car il y avait longtemps que je n’avais pas conduit tel attirail. J’avançais lentement. 


Les flocons tombaient mollement sous le souffle parfois vif du vent. Les arbres étaient chargés de poudre blanche, la forêt s’était faite une beauté. Je me sentais rajeunir. 
J’avais quinze ans ou trente, avec enfants. 
Une foule de souvenirs miscellaneous refirent surface, se posèrent un court instant et suivirent le vent. 
Heureux moment…


Les heures passèrent, l’engagement prit fin. Il ne me restait plus qu’à reprendre la route quand j’eus soudainement une idée…


Plutôt que de tourner à gauche et de revenir vers la ville, je continuai tout droit, chemin Dénommé. Au lac je suivis la courbe et me retrouvai devant les fameuses maisons ayant récemment élues "résidence" sur les deux terrains vacants, avoisinants mon ancienne demeure.


Je retournai dans le cul de sac. Quand je repassai devant l’ancienne petite maison de mon enfance et d’une bonne partie de ma Vie adulte, j’eus le souffle coupé. Les gouttières pendaient lamentablement sur le côté et le devant. Des traîneries de toutes sortes encombraient la jadis petite galerie verte. Presque stationné dans la maison, un véhicule, gisait, inanimé.


C’était d’une tristesse, mais d’une tristesse… Comment cette maison avait-elle pu recevoir autant d’amour de notre part pour finir, délabrée, abandonnée à un sort si désolant?…


Comme quoi les histoires d’amour se terminent souvent de la même manière. On s’investit à plein, sans penser aux lendemains, puis un jour, la Vie nous a menés ailleurs.
 

Il faut alors apprendre à laisser derrière, et sans regret, ce qui appartient au passé…


Mais c’est triste quand même… »

« Pile de bois et peine d’amour », St-Mathieu d’Harricana, janvier 2017

Commentaires

Zoreilles a dit…
Que je te comprends... Ça fait mal de retourner sur des lieux où l'on a été heureux, où l'on a travaillé dans l'enthousiasme, où l'on avait toutes nos illusions. Ce qui fait mal, c'est que de nouvelles images pas belles viennent confronter les souvenirs qu'on avait. Il faudra les oublier au plus vite ces nouvelles images. Il aurait mieux valu ne pas y aller je crois.

En tout cas, moi, la plupart du temps, je refuse de retourner, je me protège de ces « peines d'amour ». C'est du déni, j'en conviens, mais je prends soin de mes souvenirs les plus précieux, ils nourrissent mes projets d'aujourd'hui...

Fitzsou a dit…
Sage Zoreilles! Depuis la vente de la maison en 2012 puis du commerce en 2014, je compte sur une seule main, les fois où j'y suis retournée. Hier, ça été plus fort que moi. Saudite curiosité!
Je retiens la leçon. Les seules raisons qui pourraient me ramener là-bas, c'est d'avoir l'irrésistible envie d'un "steak sur le grill" un moment donné!
J'aime beaucoup ton "mais je prends soin de mes souvenirs les plus précieux, ils nourrissent mes projets d'aujourd'hui..."
Quelle belle façon de vivre le moment présent!
Le factotum a dit…
Moi aussi," "mais je prends soin de mes souvenirs les plus précieux, ils nourrissent mes projets d'aujourd'hui...", comme vous le dites si bien.
Dans mon quotidien, je dois passer sur les lieux de ma jeunesse tous les jours.
Et je remarque aussi l'état délabré de la maison paternelle.
Je vous comprends très bien M. Le Factotum. Je sais que votre désarroi doit être aussi, bien réel.
Vous vous rappelez que j'ai déjà demeuré dans votre maison paternelle? En-haut, l'appartement avec le grand patio? (tiens... décidément, j'ai le don de me trouver ce genre de logement finalement...)
Autre époque...
Zoreilles a dit…
Nenon nenon, je ne suis pas sage du tout, c'est que j'ai vécu ces déceptions à quelques reprises et que je me suis faite la promesse à moi-même que plus jamais je n'allais vivre ça!

Pourtant, je suis attirée... Quand je vais à La Sarre, je repasse tout le temps devant la petite maison de mon enfance et parfois aussi, la grande maison du rang VII chez mes grands-parents maternels, etc. Dans ce cas, je ne suis pas déçue, ces propriétés ont été entretenues par les gens qui y habitent encore mais c'est tout autour qui a changé, il n'y a plus ces petits boisés, cette grande terre chez mon grand-père, c'est construit tout le tour, il n'y a plus d'espace!

La même chose quand je retourne à Matagami. La nature est encore plus belle que dans le temps que j'y ai grandi, j'étais une petite fille pleine de rêves d'avenir où tout était possible dans cette ville minière qui venait au monde. C'est encore plus beau que « dans mon temps » et ça, c'est réjouissant quand ça arrive! C'est pourquoi la ville d'Amos, parce qu'on y passait si souvent en « descendant » de Matagami, m'a toujours semblé la plus belle ville du monde, en plus que j'y suis née et je m'en vante, à qui veut l'entendre : j'ai vu le jour sur le bord de l'Harricana (l'hôpital d'Amos!...)

Alors de ça, je ne m'en prive pas quand ça adonne!







J'avais vécu un choc semblable quand vers l'âge de 25 ans, j'étais retournée justement là où mon père avait opéré sa compagnie (la même place de la petite maison et de la Base Figuery...). On avait coupé tous les saules bordant le chemin gravelé; on avait érigé un monstrueux garage en blocs de béton à la place où il y avait notre terrain de jeu (on appelait vraiment cet espace comme ça!)
Je me souviens de la peine que ça m'avait fait.
Puis avec les années, et vu que nous avons demeuré quand même une bonne dizaine d'années à proximité du site avant de déménager directement sur place, j'avais appris à aimer les nouveaux bâtiments, ceux qui ont fait parti de mon environnement pendant 20 ans de ma Vie d'adulte...
Peut-être un jour j'arriverai à me faire aux nouveaux changements...

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