Pas toujours… Ce matin oui…
En délaissant le sentier du raccourci, je traversai la rue, voyant déjà la silhouette d’un homme se profiler à l’horizon. Il circulait dans une rue perpendiculaire à la mienne, juste un peu plus loin.
J’ai dit un homme… En fait, il me donnait plutôt l’impression étrange que seul son manteau flottait environ soixante centimètres au-dessus de la couverture blanche recouvrant la route… Sans presser le pas, je l’adoptai facilement au sien. Peut-être même un peu plus, car à un moment, je me trouvai tout juste derrière lui. Les traces qu’il laissait dans la neige étaient bizarres. Comme un trait tiré que l’on aurait oublié d’arrêter. Un pas traînant…Ce n’était pas la première fois que je le rencontrais. Il y a plusieurs mois de cela, je l’avais même reconduit à son lieu de travail, alors que j’avais eu la chance d’avoir un véhicule ce matin-là.
Derrière lui, j’aurais pu penser qu’il venait vers moi. Le bout de ses bottes me faisait face. À sa hauteur, je lui souris, le saluai et en profitai pour lui souhaiter une belle journée. Il me regarda intimidé, répondant du bout des lèvres, alors qu’elles tenaient coincées, une cigarette allumée.
Il avait à peine dix ans, quand avec d’autres membres de sa famille ils furent immobilisés «on the land» par un blizzard. La mère, pour le protéger du froid, se coucha sur lui. C’est ainsi qu’on le retrouva... tous les autres membres avaient été figés dans le froid de la mort.
On a dû lui amputer ses deux jambes... Depuis ce temps, l’hiver il marche sur ses moignons glissés directement dans ses bottes; l’été à l’aide de deux prothèses, il se déplace à vélo...
Ce matin j’ai dit tout bas : « Merci mon Dieu … »
Photo : « Merci mon Dieu »…, Trécesson, mars 2012
Commentaires
Il venait à mon bureau et en compagnie de mon interprète aimait jaser des choses se passant au Sud.
Je l'aimais bien!
;-)