J’avais traversé le
village du nord au sud, tant dans le sentier peu balisé des motoneiges à cause
de la récente bordée de neige, tant par les rues dégagées. Mon Amie Sue m’avait
rejointe sur l’autre versant de la côte du Forum et nous avions fait le reste
du trajet côte à côte, laissant les mots prendre leurs places librement. Le ciel
était marbré de rose et d’orangé, entrecoupé de bleu et de gris. Un peu plus
tôt j’avais prononcé très haut et fort, à l’intérieur de
moi : « Merci Mon Dieu de
me permettre d’être ici, d’admirer ce ciel, ce lieu… » Et sincèrement,
je ne me serais pas vue une seule minute ailleurs qu’ici en ce vingt-trois de
décembre…
C’était la première fois
de l’histoire de Kuujjuaq que l’on allait faire ça. Une partie des habitants du village s’était ramassée tout près
de l’Hôtel de Ville, là où trônait majestueuse et immense, que dis-je, une gigantesque
et longue épinette effilée d’une trentaine de pieds…
Minimum!...
Pour l’occasion, on aurait
dit que les femmes du village avaient décidé de revêtir leur plus bel amauti,
les enfants pavanaient leur kamik en peau de phoque, et les nassak et pualuk
complétaient l’habillement par cette douce journée d’hiver.
En écoutant les sparages
des orateurs (que je ne
connaissais pas ou que je n’ai pas reconnu par ailleurs… j’imagine que notre
Monsieur le Maire Tunu Napartuk y
était mais… je n’avais pas mes lunettes…), les chants de la petite
chorale des jeunes chantant « live » au pied de l’épinette, j’ai
senti monter en moi une aussi gigantesque émotion que l’était l’arbre en
question…
Allez savoir pourquoi…
Peut-être juste le fait d’être là, avec Eux, et de vivre cette Première
ensemble…
Quand l’illumination fut
réalisée, nous retournâmes, Sue et moi, sur nos pas
en faisant un p'tit détour histoire d'éviter le trop plein de voitures qui quittaient en même temps. Malgré cela, à un moment, pour prévenir qu’une motoneige nous rentre dedans, j’ai grimpé un peu sur
l’amoncellement de neige en bordure du chemin. Le motoneigiste nous a lancé un nonchalant
« I don’t want to kill you »…
« Toi, peut-être pas » qu’on s’est
dit…
Après tout, ce serait Noël dans pas long, et moi, j’espérais y être encore
une fois, dans ce village rempli de nordicité et de gens à qui je ne souhaitais
que d’être heureux…
Photo :
«Ma belle épinette, reine de la Toundra, que j'aime... »,
Kuujjuaq, 23 décembre 2012
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