Il
ne me restait qu’une toute petite histoire Abitibienne à raconter. En fait c’était
une anecdote vécue avec Papa Fitzsou, l’une de ces belles journées où « il vivait tranquille dans son oubli *»
(*ce n’est pas de moi c’est Cousine JoBé
qui a écrit ça… Et je trouve ses mots tellement, tellement beaux…).
« …
C’était un beau matin où les rayons du soleil se faufilaient par les hautes fenêtres
pour s’étendre sans façon sur le terrazo. Nous circulions tranquillement dans
le long corridor de la résidence, lui, poussant son déambulateur, moi, à ses côtés,
le suivant à pas feutrés. Je venais de lui déblatérer une fois de plus, mes
déboires concernant la recherche d’une
place où loger le jour où je quitterais le Nord. Il persistait à me dire de me
racheter une maison. J’hésitais à suivre son conseil.
On
regagna sa chambre, histoire d’être plus tranquille pour placoter. Je lui
racontai bribes de sa vie, combien il avait été actif, comment il savait
cuisiner de petits plats nourrissants. Je lui rappelai aussi son âge. Aussitôt
de s’exclamer : « Eh que chu donc
content de savoir enfin quel âge que j’ai! Je m’demandais justement ça… »
Et
de m’expliquer…
« Parfois,
il arrive des étrangers ici pis ils commencent à nous demander chacun notre
tour, notre âge. Moi je ne sais jamais quoi répondre. Alors j’écoute ben comme
faut ce que les autres disent, pis quand ça arrive à mon tour, ben je dis à peu
près pareil comme eux autres… »
« Là » a-t-il ajouté, « je vais pouvoir répondre l’âge que j’ai: 93 ans.»
Ingénieux
Papa Fitzsou!
« Mais demain Papa, quel âge auras-tu??... »
pensai-je tout bas…
Quelques
jours plus tôt, encore après que je lui eu rappelé son âge, il m’avait avoué « qu’il n’aurait jamais pensé que son « voyage »
serait si long ». Je crois qu’un grand philosophe enfoui dans les
méandres de son cerveau, sommeille toujours en lui!... »
"Bye, chemin des Petits Castors", St-Mathieu d'Harricana, juillet 2014 |
Commentaires
À vivre tranquillement dans son oubli, il semble écouler des jours heureux, plutôt serein et toujours un peu philosophe et ingénieux, comme quoi l'essence de ce que nous sommes peut se diluer mais jamais tout à fait disparaître.
J'ai aussi une personne âgée de 93 ans dans mes proches. Elle est atteinte de démence et s'enfonce de plus en plus dans son univers de peurs et d'angoisses. S'occuper d'elle est devenu très difficile tellement sa détresse est profonde. Notre présence n'y change rien et pourtant jamais nous n'allons l'abandonner. Nous n'avons aucune collaboration de la part du réseau de la santé et des services sociaux. On dirait que son cas est si complexe et déroutant que même eux ne savent plus quoi faire. Eux, ils l'ont abandonnée...
Je peux imaginer la situation concernant la personne dont tu parles. Pour avoir travaillé plusieurs années avec les personnes âgées, on ne vieillit pas tous de la même façon et pas nécessairement de la façon dont on a vécu.
Nous sommes chanceux que Papa Fitzsou soit comme il est.