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Là-haut sur la colline…



J’étais à écrire. Dans le brouillard des mots que je projetais en rafales sur l’écran du portable, s’intercalaient sans que mon subconscient n’en tienne vraiment compte, des cris de misère humaine…
 
Soudain l’intensité changea d’un ton. Cela me sortit de ma léthargie et attira mon attention. Je me levai et me rendis à la fenêtre. Y jeter un œil. Ou les deux…

Tout là-haut, sur la colline, j’aperçus silhouette d’homme. Il se tenait à une trentaine de pieds du mélèze solitaire se dressant solidement, pour notre grand plaisir à l’Amie Sue et à moi, juste en face de nos habitations. L’homme était assis sur un rocher. Il bougeait les bras en un désespéré geste désespérant pour chasser les moustiques. 

De cela, je n’avais aucun doute…

« … Soudain il se lève, titube, vacille. Le sol sous ses pas semble en mouvance. La silhouette penche vers l’avant, s’affale de tout son long, face contre rocs. Tout à coup j’ai peur pour lui, peur que le vide ne l’aspire et ne l’entraîne dans une chute fatale. Peur qu’il ne tombe dans l’absurdité de ce moment. Et qu’il se fracasse le crâne en passant… »

Je me décide. J’appelle Sue. Elle n’a rien remarqué. De plus en plus inquiète et sans recours, je fais appel à la police locale. « Nous y serons dans cinq minutes. » me répond-t-on. Je sais. Je comprends. Ils ont beaucoup à faire, beaucoup plus que de voler au secours de chaque personne ayant un peu oublié le boire modéré… Ce soir-là, j’avais déjà entendu retentir le hurlement des sirènes à quelques reprises. 

Triste…

« … Il est maintenant vingt-et-une heure vingt. Déjà plus d’une heure que j’ai lancé l’appel. L’homme est toujours là. La nuit s’installe lentement. Dans la pénombre, je distingue son pourtour, courbé. J’entends les longs appels stridents de son sifflet. Son nébuleux désarroi… J’imagine… »

Je n’en peux plus. Je m’habille et cours chez ma Voisine pour lui demander de garder un œil sur moi (ou les deux) pendant que je monte là-haut. Juste au cas où… En peu de mots, elle m’en dissuade. Je regagne mon petit appartement plus démunie que jamais. Incapable de porter mon attention sur quoi que ce soit, j’appelle Collègue V. Finalement, c’est à son Amour que je parle. Elle confirme mes craintes : une nuit sous les piqûres de moustiques, sur l’escarpement rocheux, dans cet état… 

Je rappelle la police. 

Quelques minutes plus tard, on frappe à ma porte. À la hauteur de la rue, le jeune policier ne pouvait voir la personne. Mais sur mon palier, oui. Je lui indique où se trouve le sentier. Il sait. Une autre camionnette arrive et se gare tout près. Deux agents entreprennent d’escalader la colline.

« …Je les observe. Au loin, je vois ces ombres dansantes. Puis la lumière de leurs lampes de poche s’efface et disparaît. Au-bas de la pente, deux autres véhicules attendent, éclairant la piste de leurs phares. Pour les 3 hommes qui redescendent… » 

Quand le jeune policier revint frapper à ma porte, ce fut pour me dire qu’effectivement l’homme n’aurait jamais pu revenir de lui-même. Ils le reconduiront à sa maison… Je les remercie infiniment. De la part de l’Homme…

Le lendemain matin, tout ce qui restait à une trentaine de pieds du mélèze, c’était la brillance d’une canette abandonnée sur un rocher… »

"Solitaire", Kuujjuaq, août 2014

Commentaires

Je te reconnais bien là!!! La photo est superbe, je souhaite à cet homme le calme de ta photo et la sérénité de ce bleu des rochers xoxo
Bonne Amie G, j'ignore ce que j'ai pu faire à cette photo, mais la réalité est beaucoup plus grise... Et je crains que ça ne le soit pour l'Homme aussi...
Tristement...
Zoreilles a dit…
Quelle tristesse, quel désarroi que ces abus de substances qui mettent des vies en danger. Tu as fait ce qu'il fallait malgré les difficultés, tu n'as jamais lâché. Tu lui as sauvé la vie mais trouvera-t-il un peu de compassion pour lui-même dans l'avenir même s'il réalise qu'un ange aérien était sur sa route alors qu'il avait dérivé de la sienne?

C'est peut-être ce que je trouverais le plus difficile si je vivais dans le Nord. J'ai beaucoup entendu parler des histoires d'horreur de ces beer's nights.
Zoreilles, on trouve ce genre de situations partout au Québec. Pour avoir travaillé quelques années au Centre Normand... donc avec une certaine connaissance de cause que je dis ça...
Je n'ai pas sauvé la vie de cette personne, je lui ai juste permis d'aller dormir chez-lui.
Les policiers ont fait le gros du travail. Je n'ai fait que les appeler... Ils méritent les honneurs...
Zoreilles a dit…
Tu es trop humble... D'accord, les policiers ont fait le gros du travail mais c'est toi qui les avait appelés et qui a dû insister. Sans toi, que lui serait-il arrivé?

Bien sûr que ça arrive partout, j'en suis témoin parfois et avec ton expérience de travail au Centre Normand, tu en as vu de toutes les couleurs. Pour ma part, je trouve très difficile d'assister impuissante à cette détresse, cette dépendance. Nous avons des amis autochtones, certains sont sobres mais pas tous. Les voir ainsi se détruire quand ils partent sur une virée...

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