« …Cher Papa,
J’ignore lequel des éléments suivants a déclenché
en moi le besoin d’entamer ce jour, le récit de mon voyage tel que je te
l’avais promis la veille de mon départ, le 10 juillet dernier.
Est-ce la présence de ce vent frondeur, qui couche sans
relâche depuis ce matin, des vagues de dentelle blanche sur la berge?
Ou serait-ce la mélancolie engendrée par la date
anniversaire du départ* de Celle qui fut ton épouse durant quarante-quatre
années, et ma Mère pendant les quarante dernières?
Peut-être aussi, est-ce le dernier arrêt fait au retour de
l’aéroport de Longue-Pointe où je me suis recueillie sur les lieux d’un hommage
rendu, croix bien en vue, à deux amoureux du ciel**, disparus sans laisser de
trace, depuis le 1er décembre 1980?...
Peu importe après tout. L’important c’est que je me retrouve
auprès de toi en pensée, pour te relater les dernières journées passées sur la
route.
J’ai quitté Amos en direction du Lac St-Jean, le lendemain
de notre rencontre. Chemin faisant, je me suis arrêtée à quelques reprises. J’étais
seule conductrice à bord pour rouler les 619km prévus jusqu’au point de chute
de Mashteuiatsh.
C’est avec bonheur que j’ai retrouvé l’Ami Yvp, que je
n’avais pas vu depuis un lustre et demi. Nous avons partagé le souper à son
resto qui se nomme « Emporte-moi»
Je le recommande fortement à tous ceux qui passeront un jour
par Roberval.
Le lendemain, je baignais dans la culture Ilnu,
visitant le musée amérindien d’une part, et le site de transmission culturel,
où j’ai réappris à cuire la traditionnelle bannique.
Le résultat ne fut pas un succès, mais le cœur y était!
En fin de journée, je suis allée dire bonjour à mon Ami, St-Antoine-de-Padoue.
Je me suis rendue au lac Bouchette pour lui piquer une jasette! Me croiras-tu
si je te dis que je lui ai (encore!)
demandé une faveur?...
Mercredi me vit prendre la route, tout d’abord vers St-Prime
(j’avais vraiment le goût d’un
fromage Perron frais du jour). Puis, sans pouvoir m’expliquer pourquoi,
j’ai tenu à revisiter le village de Val Jalbert. J’y traînai donc mes savates pendant
quelques heures avant de me rendre à La Baie, où j’allais assister, pour la
deuxième fois en 19 ans, à La Fabuleuse histoire d’un royaume!
Je n’ai pas été déçue, crois-moi! C’était magistral!
Fantasmagorique! Génial! Magnifique!
M. Camil du gîte « Les 13 Lunes » m’avait auparavant
accueillie à bras ouvert. La maison, située sur les bords du Saguenay, se
laissait bercer par les marées. Si tu avais vu le petit-déjeuner du lendemain!
Tu croiras peut-être que j’exagère, mais j’ai mangé un morceau de tarte au
sucre à l’érable comme troisième service!
C’est du gîte ça Papa!
Pendant le repas, oubliant de souhaiter une joyeuse fête des
Français aux autres occupants, je choisis plutôt de me noyer dans les yeux
bleus de Sébastien. Dommage que nos voyages respectifs ne permirent de nous
croiser, disons, plus intimement…
« Il n’y a pas de hasards, il n’y a que de
« courts » (sic)
rendez-vous… »…
Ce jeudi matin, après m’être arrêtée chez le souffleur de
verre, l’Italien M. Giuseppe Benedetto et lui avoir chipé l’un de ses
cardinaux, je fis le détour par l’ancien Chicoutimi (sans revoir la fameuse petite maison blanche du déluge
car en région, on en soulignait le 20ième anniversaire) pour
me diriger vers Baie-Comeau.
Des Monts-Valin au Cap Jaseux, je suivis les courbes, les
montées et les descentes perdues en plein bois. J’arrivai saine et sauve chez
l’Ami Yvm en fin de journée.
Ce soir-là, je connus le port et son resto. On marcha le
Centre-Ville et je sus qu’il existait un artiste fort talentueux du nom de
Claude Bonneau.
Non mais regarde : c’est-tu assez beau ça Papa?
Le lendemain, on concentra nos visites au Jardin des
Glaciers et la vallée des coquillages,
un site vieux de 20 000 ans.
Imagine!
Nous avons aussi marché la Pointe St-Gilles et terminé par
une dégustation de bières à la micro-brasserie St-Pancrace.
J’adore ce genre de place!
Le lendemain, on fit une courte visite à la base
d’hydravions, sorte de pèlerinage en mémoire des années où tu y as travaillé.
On pique-niqua à la Pointe-aux-outardes avant de finir la
journée devant l’écran-géant-pleine-nature chez Del et son Amie Lis, à l’Anse
aux Loups-Marins. C’est là que j’ai observé mon premier rorqual. Fascinant!
Impressionnant!
Le dimanche, 17 juillet, j’ai pris la route vers
Longue-Pointe. J'ai traversé Godbout et ses rues gravelées, visité le phare Fafard de
Pointe-des-Monts, vu l’immense plage de la Pointe-aux-Anglais, tandis que les barrages, le
Fleuve et les épinettes m’accompagnèrent jusqu’à Sept-îles, où je m’arrêtai
prendre un café au resto « Toi et Moi ».
Par hasard, j’y rencontrai l’Ami Dao qui devait justement me
faire visiter sa ville le mercredi suivant.
Quel adon!
Quand j’ai enfin poussé la porte de la petite roulotte du Camping de la Minganie que
j’avais louée pour la semaine, je me suis dit que c’était trop cool!
J’étais
heureuse de prendre racine dans ce petit patelin. J’ai pris le Temps de siroter une bière près du
feu que m’avait allumé Monsieur Michel, le proprio.
Et tu sais ce que je me suis dit à ce moment? Que la Vie était
douce…
Hier, j’ai fait une expédition sur deux îles de l’archipel de
Mingan : j’ai vu des macareux et des petits pingouins à l’île aux Perroquets
et les monolithes de l’île Nue.
En naviguant, nous avons vu plein de petits rorquals et une baleine
à bosse, gigantesque mammifère des mers qui plonge en sortant sa queue hors de l’eau.
Gâtée tu dis?...
Aujourd’hui, j’ai concentré mes visites dans les églises de Rivière-St-Jean,
Magpie et Pointe-au-Tonnerre. J’ai imaginé Maman à mes côtés. Tu te rappelles combien
elle était croyante?
Je te raconterai plus en détails un peu plus tard.
Pour l’instant,
il est l’heure de manger.
Porte-toi bien Papa Fitzsou!
Gros bisous et câlins... »
*19 juillet
1998
** Cyd
Leblanc et Omer Bond
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